PUBLICATIONS DU COLLECTIF
L’Humanité du 30 septembre 2025
Notre réponse à la tribune de la honte dans le Figaro du 21 septembre 2025.
“Le Grand Rabbin de France, le président du Conseil Représentatif des Institutions juives de France, le président du Consistoire et le président du Fonds Social Juif unifié, avec 16 autres personnalités, ont signé une tribune dans le Figaro du 21 septembre pour exprimer leur opposition à la reconnaissance d’un État palestinien par le Président Macron. Ils prétendent que celle-ci ne devrait pas avoir lieu avant la libération des otages israéliens et le démantèlement du Hamas.
Nous, juives et juifs de France, membres de collectif « Pas en notre nom », souhaitons exprimer notre malaise devant cette tribune. Nous rejetons la prétention de ce texte à parler au nom de tous les Juifs de France. Les représentants des communautés juives ne devraient pas se faire l’écho des positions politiques du gouvernement israélien contraires à nos valeurs juives fondamentales, qui rejoignent les valeurs universelles des droits de l’homme.
La reconnaissance de la Palestine par la France arrive tard, dans un moment tragique, où le peuple palestinien subit tous les jours les bombardements et le blocus à Gaza ainsi que les attaques des colons soutenus par l’armée en Cisjordanie. Les Gazaouis meurent sous les bombes, de faim et de la destruction des infrastructures médicales. Dans ce contexte, cette reconnaissance est terriblement insuffisante. N’étant pas accompagnée des sanctions sévères contre Israël, elle n’est pas de nature à agir sur une situation d’extrême urgence pour la survie de deux millions d’âmes, hommes, femmes, vieillards, malades, enfants. Néanmoins, nous saluons ce geste comme indispensable. Le peuple palestinien, comme tous les peuples du monde, a le droit à la souveraineté nationale sur un territoire. Ce droit est inaliénable.
Les signataires de la tribune du Figaro exigent comme conditions préalables à la reconnaissance de la Palestine la libération des 20 otages et prisonniers israéliens considérés vivants détenus par le Hamas depuis le 7 octobre 2023 dans des conditions inhumaines, et la restitution de dépouilles des otages morts en captivité. Nous aussi exigeons la libération immédiate des otages et prisonniers israéliens et le rapatriement des corps des décédés. Nous demandons également la libération des prisonniers palestiniens détenus par Israël, eux aussi, dans des conditions inhumaines, auxquels les signataires de la tribune ne font pas mention. Se peut-il qu’ils n’aient pas connaissance de l’existence de près de 11 000 prisonniers détenus sans procès dans des prisons israéliennes, transformées depuis le 7 octobre en camps de torture ayant déjà entraîné la mort de 75 parmi eux ? Sur ce point, nous conseillons vivement aux signataires de la tribune de lire le rapport de l’ONG israélienne B’tselem, publié en juillet 2025.
De même, le démantèlement du Hamas ne peut être la condition d’une reconnaissance de l’État palestinien ; il ne peut pas non plus être défini comme un but de guerre légitime. C’est un objectif irréaliste, qui sert de prétexte à la mise à mort d’un nombre colossal de victimes civiles. Renvoyer la reconnaissance de l’État de Palestine à une date inconnue revient à, une nouvelle fois, s’opposer à son existence.
Au bout de deux ans d’une destruction sans précédent et au vu des déclarations des politiques israéliens eux-mêmes, légitimant la mort d’innocents et le nettoyage ethnique, qui peut encore croire que l’offensive israélienne est menée pour libérer les otages ou pour démanteler le Hamas ? Ces deux objectifs sont au demeurant difficilement compatibles, et à ce jour non atteints. L’attaque israélienne contre Gaza en réponse au traumatisme du 7 octobre s’est muée en une vengeance sans fin et sans limites contre un peuple sans défense, fomentée par l’extrême droite israélienne et désormais ouvertement soutenue par l’administration Trump.
Avec cette tribune, le grand rabbin de France, les présidents du CRIF, du Consistoire et du FSJU, ainsi que les 16 autres personnalités médiatiques qui les ont rejoints, se sont fait les propagandistes d’un gouvernement criminel qui mène une guerre génocidaire contre les Palestiniens. Une guerre qui aura à terme des conséquences dévastatrices pour les Israéliens, et qui met déjà en danger les Juifs du monde entier.
Cela ne sera pas en notre nom.”
Signataires :
Jean-Christophe Attias, directeur d’études à l’EPHE
Esther Benbassa, directrice d’études à l’EPHE, ancienne sénatrice
Simone Bitton, cinéaste
Rony Brauman, ancien président de Médecins sans frontières
Judith Chemla, actrice, chanteuse, autrice
Camille Clavel, réalisateur
Milena Csergo, comédienne
Yaël Dagan, cadre de la fonction publique et historienne
Serge Grossvak, directeur de centre culturel
Gérard Haddad, psychiatre, psychanalyste, écrivain
Gabriel Hagaï, rabbin
Gabriel Jaïs, étudiant
Benjamin Lazar, metteur en scène
Manès Nadel, ancien président de l’Union Syndicale Lycéenne
Véronique Nahoum-Grappe, anthropologue
Ron Nayweld, Chercheur en études juives, CNRS-EHESS
Nicole Peskine, photographe
Myriam Rab, consultante arts et culture
Catherine Sabbah, déléguée générale d’idheal
Philippe Sultan, Inspecteur général de l’Éducation, du sport et de la recherche honoraire
Et les membres du collectif pasennotrenom.com